Apparence

Innocente créature, en entrant dans un bar modeste au centre-ville, vous aurez certainement l’opportunité de saluer cet homme charismatique. Du haut de son mètre quatre-vingts, deux agates marrons tirant sur l’écarlate transpercent votre âme pour venir en sonder les moindres recoins. Son visage ovale aux traits angéliques est encadré par une chevelure d’ébène mi-longue, contrastant avec sa peau porcelaine. Ses pommettes sont rehaussées d’un sourire condescendant, alors que sa voix suave à l’accent français viendra caresser vos tympans le temps de vous servir.
Ou devrions-nous plutôt dire, le temps de vous engloutir.
Seriez-vous notre prochaine proie?
Voilà un divertissement de choix.

Toujours proprement vêtu, où que tu sois, tu arpentes ce purgatoire d’un pas déterminé quoique lascif. Le dos droit, les épaules dégagées et la tête hautaine, ces prunelles dédaigneuses et prédatrices n’ont aucune pitié pour ces simples d’esprit misérables qui rampent sur le sol poussiéreux, victime de leur propre enfer. Ton corps athlétique est taillé dans la flexibilité et l’agilité, sans être dans quelconques excès. Certain pourrait te qualifier de frêle, certes. Malencontreusement, c’est leur âme qui l’est, frêle et fragile. Elle qui ne peut point se raccrocher à la force de l’esprit, et qui doit compenser d’un point de vue physique. Pathétique.

Lorsque tu t’adonnes aux activités de la résistance, tu aimes revêtir un juste-au-corps noir. Généralement, tes mains, au longs doigts artistiques, sont gantées. Pour venir bonifier ton apparence prédatrice, des verres de contact carmin rendent tes iris sanguines et dangereuses.
La chasse est ouverte.

Personnalité

Oh, bel ami, au fond de toi, tu sais bien que ta situation n’est pas plus envieuse que la leur. La seule différence, c’est qu’eux se clament victimes, alors que toi, tu as appris à jouer avec tes démons. Tu les aimes au point de te sentir libre. Au point d’apprécier naviguer dans les méandres sinueux d’un esprit tourmenté pour l’énucléer. Et t’éviscérer par le fait même. Quoi de plus jubilatoire que de les voir, pauvres âmes en peine, perdre leurs repères alors que les démons profondément enfouis refont surface pour se joindre au chant morbide de la folie. Douce et âpre allié qui fait fuir les vautours putrides de l’ennui. Elle, elle nous permet de nous sentir vivant. Elle nous gorge d’émotions, qui nous plonge dans un maelstrom riches en couleur. Les pleurs, les cris, la peur, la souffrance. Doucereux supplices de l’âme qui nous rappelle que nous avons encore quelque chose à apprendre. N’est-ce pas des moments riches? Des moments jouissifs? Des moments où l’extase est à son comble? Bien sûr que si. La vérité vient teinter d’une douce couleur ce purgatoire grisâtre. Et la vie prend tout son sens.

Tu aimes les jeux psychologiques, et c’est ainsi que tu deviens un vrai puit d’informations. Au gré de paroles bien orchestrées, de tes atouts savamment dévoilés, de sujets de conversations prémédités et de propositions osées, les pièces de ton échiquier mental passent à l’offensive jusqu’à ce que ta victime soit échec-et-mate. Manipulateur dans l’âme, tu obtiens presque toujours ce que tu veux. Pour votre information, c’est la principale raison qui t’a amené à être barman : pour parfaire la bibliothèque d’informations de ton supérieur. Le seul en ce bas monde que tu considères ainsi. Un des seuls pour qui tu pourrais penser à quelqu’un d’autre qu’à ta petite personne. L’amour? Pauvre fou. Aucunement. Cela s’appelle le Respect. Rien de plus, rien de moins.

Et si vous êtes assez intelligent pour lire entre les lignes, Sethaniel n’a de respect que pour une poignée de personnes. La considération qu’il vous accorde n’est en rien proportionnel à sa politesse exemplaire teintée de paroles imagées hautes en couleur et en réflexions. Il ne fait que jouer avec vous.
Jusqu’à ce que vous jouiez avec lui…

Oh? Ce qui t’amène à faire partie de la résistance?
Tu es allergique à l’injustice.
On peut te trouver à donner du pain à des jeunes affamés.
On peut te trouver à répartir des richesses parmi les moins fortunés.
C’est les opulents que tu regardes de haut.
Ceux qui doive détruire pour nourrir leur ego.
Eux, voleurs de vie, qui encrasse la terre de leur simple présence.
Tu t’engages à leur arracher leur fausse innocence.
Et leur chute est douceur, est enivrante, est extase.
Alors qu’une éternité de souffrances les attend dans l’instase.

Histoire

Vous voulez une histoire?
N’est-ce pas charmant. Tu attends Sethaniel. Racontons comment tu as perdu ton innocence, bel ange.

C’est à Marseille que tu as vu le jour, résultat d’un concours de circonstance. Ton paternel, baron de la mafia italienne, vampire influent, s’était caché dans cette belle ville aux sinus aqueux qui fait rêver les artistes. Ta mère, une belle française pompette et soignée de sa personne, esclave du baron depuis quelques années, l’a suivi pour protéger leur descendance. Il prenait soin d'elle comme sa femme. Après tout, il lui était hors de question de léguer les reines à un éperdu qui ne portait pas ses gênes supérieurs. Il voulait transformer son propre enfant. À lui. Point final. Tu fus donc le deuxième né. À la naissance, le prénom d’Andréa t’a été attribué. Andréa Romano. Et le plus vieux, celui que tu as toujours admiré, Nathan.

Sous le joug de ton paternel, tu as appris l’art de la rue. Tu as toujours été le plus tranquille, le plus observateur et le plus consciencieux des deux. Pour ces raisons, le poids de la succession retombait sur tes épaules. Bien sûr que Nathan était jaloux. Mais tu ne t’en aies jamais soucier. Ni aucun autre membre de la famille, d’ailleurs. Sa souffrance était vue comme de la faiblesse, et tu l’as persécuté, imitant les autres. Vous viviez dans le luxe, dans l’abondance, dans le pouvoir. Tu n’étais pas à plaindre, Sethaniel, loin de là.

Ce qui a été le plus douloureux, la trahison ultime, c’est produit quelques années suivant l’assassinat de votre très cher père. Géniteur qui n'a pas eu le temps de te transformer avant de redevenir poussière. Vif d'esprit et confiant, tu repris sa place d'une main de fer. Autant dans le sadisme de tes actions que la diplomatie hors pair dont tu faisais preuve. Après deux années à avoir repris le flambeau, tu n'avais toujours pas trouvé d'être digne pour t'infliger une transformation. Même ce parrain qui veillait sur vous ne méritait pas cet honneur, à ton humble avis. Oui mon beau, tout ça t’a monté à la tête. Tu traitais ta mère comme l’esclave assigné à combler tes moindres caprices d’enfant gâté. Et même si la relation avec Nathan était explosive et négative, tu lui accordais beaucoup d’importance. Tu avais fait de lui ton pilier, qu’il le veuille ou non. Il n’avait jamais eu son mot à dire, et ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait l’avoir.

Jusqu’à ce jour où tout fut mis à feu et à sang. Tes équipes décimées, ta bibliothèque d’informations brûlée, ton foyer incendié, ta famille éradiquée, tes espoirs emprisonnés par les forces armées. Ce vaut-rien allait le payer de sa chaire, de son âme soumise aux plus viles tortures. La rage, le désespoir et la souffrance réveillèrent tes démons enfouis depuis si longtemps, depuis maintenant vingt-neuf ans. Ce sentiment de déchirure a hanté tes nuits et tes jours. Tu t’es senti démuni, dépouillé et… faible. Fragile. Frêle. Tel l'humain que tu es. Toi qui désirais se démarquer pour le prestige. Toi qui désirais être quelqu’un aux yeux d’autrui. Toi qui désirais avoir de la valeur.
Mais, Andréa, qui étais-tu à tes propres yeux?
Rien.
L’ombre de ton père.
Une ombre qui tombera sous peu dans les oubliettes.
Et tu erras dans ce purgatoire sans fin, sans vie, sans éclat.

Pour survivre, tu as mendié, dormant dans une boite de carton pour te protéger des intempéries. Tu en as rencontré d’autres comme toi, des êtres dépossédés, dépareillés et oubliés. Vous vous êtes entraidés pour conserver cette fugace humanité. Tu n’étais plus qu’une larve qu’on pourchasse pour la dépouiller de sa chaire. Au mieux, on te traitait avec dédain, avec pitié ou bien avec ignorance pour se fermer à ta réalité. Les pleurs et la peur furent ton quotidien pour la prochaine année. Lui, tortionnaire et protecteur, fut ta bonne étoile pour t'empêcher de tomber entre les griffes d'autres vampires ou d'être capturé par les autorités. Il a toujours veillé sur toi. Tu seras SA victime. Et il s'en est assuré, sans jamais que tu ne le saches. Puis le besoin vital de vengeance à réanimer tes entrailles.
Selon toi, la vengeance donnerait une raison à ton existence.
La vengeance permettrait de taire ces démons qui te grugent jusqu’à la moelle.
Elle, douce et puissante salvatrice.

Pendant deux années, mon cher, tu l’as traqué. Tu l’as chassé. Tu as rêvé de lui arracher le cœur de tes propres mains. Et lui, joueur, venait placer des indices sur ton chemin, guidant tes pas dans le destin qu'il avait tout tracé pour toi. Juste pour toi, mon ange. Certes, il t’en avait laissé aussi durant la première année, mais tes affres t’avaient empêché d’embarquer pleinement dans son jeu. Maintenant, c’en était une obsession. Engourdit par la souffrance, tu n’as jamais vu le piège se refermer autour de toi. Tu choisissais d’être aveugle, de t’enfermer dans la cage de tes pensées, de te victimiser.
Toi qui as été jadis le bourreau.
Mordre dans le fruit que tu as infligé durant tant d’années s’est avéré plus amer que tu ne l’aurais jamais imaginé.
Et cela à causer ta perte. Ta déchéance finale. Tu n’avais que 32 ans.

Dans un entrepôt à Rawdon, au Québec, où tu t’es rendu en tant que passager clandestin d’une embarcation commerciale, tu l’as finalement retrouvé. Ou, du moins, il s’est finalement montré. Lui. La cause de ton enfer. La source de toutes tes souffrances. La raison de ton malheur.

C’est lorsque la lumière de la pleine lune a éclairé ses traits que ton monde s’est achevé. Les ruines de ton âme se sont volatilisées pour laisser place à un gouffre sans fond. Et tu es tombé dans le vide. Les tentacules ténébreux des enfers sont venus t’enlacer, te paralysant sous l’agonie.

Lui…
N’est autre que Nathan Romano.
Ton frère adoré. Ton protégé.

Ton corps à envie de mourir sous la douleur, ton esprit à envie de crier sa peine, ton cœur à envie de s’évincer et ton âme à envie d’abandonner. Tu rêves de retourner à la maison, dans ce foyer rassurant où tout allait bien. Mais plus rien n’ira jamais bien.

Tes genoux percutent le sol, fléchissant sous le choc. Des larmes roulent sur tes joues halées. Tes cordes vocales ne parviennent qu’à émettre un hoquet stuporeux. Nathan s’approche, d’une démarche lascive, confiante, prédatrice. Il se coupe le bras, laissant quelques gouttes de sang tacher le bois sombre. D’une douceur dangereuse, il lève ton menton, t’oblige à ouvrir la bouche de son pouce et laisse le goût métallique du sang glisser sur ta langue. Poupée de chiffon désarticulée, tu n’es plus maître de rien. Il peut faire ce qu’il veut de toi. Et c’est à ce moment que ses crocs percent ta chaire pour te transformer en le monstre que tu as toujours été.

Si tu pensais avoir vécu un calvaire, la vie nous réserve parfois de drôles de surprises. Il t’a mis en esclavage. Son esclave, de surcroit. Il t’a humilié, rabaissé, dénigré. Il était devenu un bourreau bien pire que tu ne l’avais été. Et subir le résultat de ta nonchalance, de ton insouciance, de ton manque de compassion t’a fait découvrir les méandres écorchés de la psychologie humaine.

Incapable de le tuer, tu t’es sauvé après un siècle à subir ses sévices. C’est à tes 132 ans, soit en avril 2237, que tu arrives aux États-Unis, plus précisément, à Dornia. Un bon samaritain t’a pris sous son aile, te permettant de te reconstruire. Il t’a beaucoup appris, y compris l’usage de l’hypnose, dans lequel tu te spécialises aujourd’hui.

Ton esprit sait maintenant qui il est.
Ton cœur se sent maintenant à sa place dans les rangs de la résistance, que tu as intégré peu après sa création.
Et ton âme reconnait sa propre valeur.