Apparence

- Adolphos ? Tu viens mon chéri ?
Le bambin de quatre ans accourt vers sa mère et enfouit son visage dans les plis de sa jupe, ses petits bras potelés bien fermés autour de sa jambe.
- Adolphos, je te présente ton père. Tu dis bonjour ?
Le petit lève ses grands yeux vers le visage de l'homme qui le dévisage pour la première fois depuis sa naissance sans aucun sourire. Lui, pourtant, lui en offre un spontané en retour, un sourire large et éblouissant qui fait plisser ses paupières et creuser des petits trous dans ses joues.
- Bajouuu-euh !

- Adolphos ! Le repas est prêt !
- J'arrive, mère !
L'adolescent sort de la piscine et quelques regards moqueurs s'attardent sur sa silhouette courte, peu musclée, son fessier assez plat, ses jambes fines. Il n'a rien d'intimidant, il en est conscient. Et alors ? Il leur offre un sourire et un salut de la main tout en se dirigeant, dans son slip de bain jaune, vers sa mère qui l'attend avec un pique nique.
- Ton père a encore remporté une médaille, la semaine dernière.
- Ah, c'est bien pour lui.
- Tu comptes devenir comme lui ?
- Pas du tout ! J'avais chaud donc je me suis baigné, mais je n'aime pas spécialement nager. Je n'y passerais pas ma vie en tout cas !
- Que comptes-tu faire alors ? Tu dois te décider, Addy.
- Et bien... J'aimerais me lancer dans la musique !
- La... Mais ce n'est pas un avenir, la musique !
- Tu veux qu'on parle de De Bourbon ?
- C'est différent, il a un pedigree. Toi...
- Si lui peut devenir un grand pianiste, pourquoi pas moi ?
- Chéri. Tu as vu la taille de tes doigts ? Tu es incapable d'atteindre deux touches à la fois. Il faut des grands doigts pour être pianiste. De l'agilité, être capable de faire deux choses à la fois... Toi tu as des mini mains et tu n'es même pas capable d'écrire avec l'une et touiller de l'autre ! Oublie le piano, tu seras nul.
- Merci de ton soutien... De la guitare alors ?
- Même chose, il faut pouvoir faire des choses différentes pour chaque main.
- Batterie ?
- Oh allons, regarde-toi. Tu fais à peine trois kilos ! Être batteur ça demande du muscle, de l'endurance, et de pouvoir utiliser à la fois ses bras et ses pieds de façon désordonnée !
- Alors quoi, je ne peux rien faire parce que je suis petit et maigre, c'est ça ???
- Tu es un intellectuel, Adolphos. Oublie les trucs physiques. Fais plutôt... de la philo ? Tous les maigrichons font de la philo.

Xena, sa mère, ajuste un beau costume gris pâle sur ses épaules avant de lui placer une petite mèche rebelle derrière l'oreille et de glisser dans la poche sur son torse une petite rose rouge.
- Mère...
- Tu dois lui plaire, c'est important.
- Mère, on va juste... avoir des rapports sexuels. On ne va pas se marier.
- Oui et bien... Il est important que tu te mettes au maximum en valeur. Il paraît qu'elle est très jolie et a un excellent pedigree.
- Ouais, pas comme moi quoi.
- Allons Addy. Tu as des qualités.
- Lesquelles ? A t'écouter je suis petit, maigre, et moche. Il ne me reste pas grand chose !
Il n'a pas attendu qu'elle réponde pour se diriger vers la salle de reproduction du centre. Pourtant, qu'est-ce qu'il est loin d'être ingrat ! Un mètre soixante cinq, soixante quatre kilos, malgré le sport qu'il pratique assidument il n'a jamais réellement grossi. Musclé ? Un peu, tout en finesse et, à l'image de son caractère, en délicatesse. En douceur. Un petit nez délicat, une voix légère et douce qui n'a jamais beaucoup mué, des lèvres roses pulpeuses sans le vouloir. Une belle liane à la peau de satin surmontée de cheveux mi- courts d'un blond solaire, d'yeux bleus aussi purs que l'eau d'une cascade, et d'un sourire aussi lumineux qu'une pleine Lune dans un ciel noir. Le petit bonus ? Le jeune homme a hérité, en cadeau de Dame Nature, d'une belle langue pointue de 15 centimètres qui, comble de l'ironie, ne lui a jamais servi à faire sa vipère.

La femme qui l'attend est aussi blonde que lui, les yeux bleus également, une poitrine volumineuse et un air coquin voire dépravé. Sa voix roule dans sa gorge quand elle prononce son prénom.
- Saluuut Adolphosss... C'est ta première fois ?

Personnalité

Timide, réservé, renfermé sur lui-même il n'a su parler que très tard. Alors que les autres bébés savent déjà prendre une tablette pour dessiner dessus, lui préfère se raconter des histoires tout seul en regardant les images des livres. Il sait lire et écrire à deux ans tandis que les autres garçons courent ou babillent, et même une fois qu'il apprend à parler il garde cette attitude renfermée, coupée du reste du monde. Un peu rêveur il reste quelqu'un de doux, profondément gentil, altruiste et le coeur sur la main. Même en grandissant.

Sa mère ultra protectrice ne l'a pas aidé à s'émanciper, à prendre confiance en lui et en ses capacités. Lui qui se complait dans l'imaginaire, dans la poésie, le chant, la musique doit se résigner et abandonner ses rêves pour faire un peu plus "comme tout le monde", un peu plus "réaliste". Un peu moins "lui". Lui, qu'on surnommait affectueusement Nusku, Dieu sumérien gardien et protecteur des dormeurs en leur apportant de beaux rêves et luttant contre les cauchemars, se perdait pour s'effacer devant une vie qui n'était pas la sienne.

Oh il a appris depuis à s'émanciper de la volonté des autres et à faire son bout de chemin de son côté. Il rêve encore un peu, il ne faut pas croire ! Mais il ne le mentionne plus autant. Si vous lui demandez aujourd'hui "tu as rêvé cette nuit ?" ou "eh, tu rêves ?" il vous répondra forcément par un sourire et un secouage de tête qui vous feront croire que non, alors que si. Il ne mentira pas, s'il le peut, et préférera éviter la discussion ou garder le silence plutôt que se parjurer. S'il essaie de mentir, son regard fuit vers un côté ou l'autre pour bien faire comprendre à la personne face à lui qu'il est en train de le faire mais parfois, il ne peut tout simplement pas s'en empêcher. Le mensonge lui fait rougir le nez.

Il est bien trop honnête pour son bien, mais il sait aussi faire la part des choses quand vous lui mentez. S'il est de mauvaise humeur, ce qui ne lui arrive qu'exceptionnellement cela dit, il se fera un plaisir de vous signaler qu'il est conscient que vous le prenez pour un imbécile mais sinon, il vous laissera vous enfoncer voire vous ignorera. Malgré ton intense gentillesse, il garde au fond de lui une petite braise qui parfois n'a besoin de pas grand chose pour s'enflammer.

Et puisqu'on parle de flamme et de rêve, ce qui réveille le plus son cœur, son âme, c'est l'injustice. L'inégalité. Le manque de respect. La violence gratuite. La manipulation. Voir un fort s'en prendre à un faible le met hors de lui et alors, il est capable d'aller voir le coupable et de lui expliquer d'une voix ferme mais douce qu'il se comporte mal et n'est qu'un voyou qui ferait honte à sa mère. Et ensuite, probablement qu'il s'excuserait de s'être emporté... Mais tout de même, hein, ça ne se fait pas ! Un peu de respect !

Histoire

Les Alcménoides. Famille noble d'Athènes fondée par Mégaclès l'archonte au septième siècle avant JC, descendants de Nélée, fils de Poséïdon et roi de Pylos, qui comptent parmi eux le légendaire Périclès le Stratège et le scandaleux Alcibiade l'Amant de Socrate. Bannis, débannis, rebannis, l'Histoire de la Grèce Antique foisonne d'informations intéressantes, de mythes et de légendes au sujet de cette grande lignée. Jusqu'à ce diadème offert, dit-on, par Apollon à Alcibiade pour saluer sa beauté et son intelligence. Un diadème que les connaisseurs expérimentés pourraient, s'ils en ont l'occasion, retrouver aujourd'hui... sur la tête du bien connu nageur olympique Xharianys Angelopoulos.

Pour autant, ce n'est pas l'Histoire de la Grèce Antique qui pousse Adolphos vers l'archéologie expérimentale, mais bien celle de la Mésopotamie. Il y a selon lui trop de battage autour de la Grèce et trop peu autour du berceau de la civilisation alors que, tout de même, c'est bien plus intéressant non ? Si on dépensait même la moitié de l'énergie qu'on met pour retrouver l'Atlantide dans les fouilles archéologiques à...
- Eh Adolphos ! Je te dérange ?
- Ah... Je tapais mon prochain mémoire.
- Tu ne fais que ça, c'est fou !
- C'est important, nuance. Il n'y a pas que la Grèce dans la vie !
- Et c'est un grec qui dit ça.
- Allez, ne chipote pas. Que puis-je faire pour toi ?
- J'aurais besoin de tes conseils pour un recueil que je suis en train de faire.

Adolphos, malgré son manque de confiance en lui certain, a eu une belle vie humaine. Il a grandit avec sa mère, puis à partir de dix ans chez son futur créateur, Xander Ebermann. Il n'en a jamais été proche, le scientifique allemand ne s'intéressait absolument pas à lui pour une raison très simple : tout comme son père, il ressent la douleur. Quand on fait partit d'une lignée qui ne le peut pas, on fait tâche, c'est sûr. Mais ça lui convenait parfaitement et lui permettait d'être tranquille la plupart du temps. Bien sûr, les orgies furieuses, sauvages et douloureuses auxquels participent ses aïeux le choquent, le dérangent, et le font fuir mais il préfère ne pas s'en soucier. Chacun trouve son plaisir où il peut... En plus, il est tout à fait conscient de posséder, malgré tout et comme son père, cette part sombre qu'il partage avec les autres membres de sa famille donc il n'est vraiment pas le mieux placé pour les juger. Disons qu'il n'est pas suffisamment friand des orgies pour y participer à tout bout de champs, et encore moins de la douleur. Quoique...

Il a beaucoup été comparé à son père, depuis tout petit, mais fort heureusement il est parvenu à s'en éloigner et pour cause : là où son père est associé aux dieux Apollon et Poséidon, lui... est associé à Hermès et Zeus. Pourquoi ? Pourquoi pas Morphée ou, comme dans son adolescence, Nusku ? Pour dix raisons :
- 2150. Il a dix ans. Sa mère l'a encouragé à aller voir son père aux Jeux Olympiques de Lisbonne. Il prend donc l'avion, durant le trajet les nuages se lèvent, s'amoncellent, la foudre éclate et tombe sur une aile. L'avion s'écrase, faisant 54 morts et un blessé. Blessure à l'arrière de la tête, dont il garde une légère cicatrice que l'on peut sentir si on lui touche les cheveux à cet endroit-là.
- 2161. Il a 21 ans. Il est envoyé s'accoupler avec une reproductrice en France. Il part en train, une avalanche leur tombe dessus et fait tout dérailler. Il est le seul survivant.
- 2167. Il a 27 ans. Voyageant en Attique pour son mémoire, longeant une falaise, trop captivé il se mélange les pieds et parvient à se retenir in-extremis à la roche pour éviter une chute quelques mètres plus bas. Un ULM survolant la zone à ce moment-là le voit, et appelle aussitôt des renforts. Il en a gardé une cicatrice dans la paume de la main droite, due à la pointe du rocher auquel il s'est rattrapé.
- 2189. Il a 49 ans. Vampire, il déménage en Italie pour s'installer près de chez l'un de ses amis, de qui il est très proche. Ayant prévu d'aller au restaurant, il ressort de la voiture pour aller chercher un manteau qu'il a oublié et la voiture explose un dixième de seconde après. Bombe placée par l'ex jaloux de son ami qui voulait l'éliminer.
- 2228. Il a 88 ans. Installé à Bagdad, un obus est tiré sur l'immeuble où il réside. Il est le seul survivant, retrouvé quasiment intact sous les gravats. Ne lui manque qu'un mollet, qui repousse avec le temps.
- 2261. Il a 121 ans. Travaillant à Babylone sur une possible ruine antique thrace, un éboulement tombe sur son équipe, faisant cinq morts. Il y perd son avant-bras gauche mais en revient en vie.
- 2273. Il a 133 ans. A Olympie, se rendant au temple de Zeus pour participer à sa rénovation, un poids-lourd arrive trop vite face à lui et est sur le point de le percuter de plein fouet. C'est un hermès, posé sur le bas côté de la route entre lui, piéton, et le camion, qui dévie le poids-lourds juste avant le choc.
- 2297. Il a 157 ans. Se rendant en France pour échanger avec des collègues au sujet de sa thèse, il trébuche à un passage piéton et manque se faire heurter de peu par une voiture, qui pile juste à temps.
- 2302. Il a 162 ans. Il se rend au centre de Rome pour faire une conférence. En chemin, le pant d'un vieil immeuble s'effondre pile sur la voiture, qui fait une embardée pour tenter de l'éviter. Trop tard. Le chauffeur est tué sur le coup, lui s'en sort sans égratignure.
- 2315. Il a 175 ans. En Syrie, dans un site désaffecté en plein désert, il se retrouve coincé par un éboulement de roche. Il lui faut quatre jours pour trouver une autre sortie, quatre jours durant lesquels il va pleuvoir à travers les rochers pour lui permettre de s'hydrater un minimum et garder l'esprit clair. Selon les experts, ça n'était pas arrivé depuis des dizaines d'années dans cette région.

En tant qu'éternel voyageur, en tant qu'étranger partout où il va et vu son métier, ses passions, ses incroyables accidents et son origine, beaucoup l'ont vu au fur et à mesure du temps comme un Hermès des temps modernes, comme un favori de Zeus "Xenios", le Protecteur des Etrangers, voire les deux à la fois. Il n'apprécie pas vraiment d'être relié, encore, à des mythes grecs mais il semblerait bien… que tous les chemins mènent à Rome !

Aujourd'hui, c'est aux Etats-Unis que son chemin -ou Hermès, comme diraient ses aïeux- le mène. Non pour des raisons archéologiques, mais pour des raisons, pour une fois, de principe. Ayant eu part de l'attentat au Memorial Day, il a décrété de venir donner un coup de main à la Résistance et depuis quelques mois maintenant transmet des lettres cachetées, livrées spécialement par le fleuriste du quartier pauvre, de boîtes à lettres en boîtes à lettres. Se faisant ainsi connaître de plus en plus des résistants comme étant, tiens dont ! le Messager.